Mardi 02 décembre 2025
Le triangle de nos propensions intérieures et le triangle inverse de nos interactions avec l’univers alentour, sont parfois en harmonie, mais, le plus souvent, ils sont en confrontation, parfois violentes. C’est très précisément cette confrontation entre "dedans" et "dehors" qui s’appelle la conscience. C’est bien dans le champ de la conscience que nous percevons la nature antagoniste de la relation entre le "dedans" et ses propensions pour nous, et le "dehors" et ses interactions avec nous. C’est encore dans le champ de la conscience que nous prenons conscience de la nécessité d’harmoniser ce "dedans" et ce "dehors", une notion que les philosophes grecs antiques appelaient "vivre dans l’imitation de la Nature". C’est enfin dans le champ de cette conscience que s’élabore l’exercice de la liberté, c’est-à-dire l’ensemble des choix et des décisions qui concernent les diverses dimensions de l’existence réelle.
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J'ai fait de ces trois mots ma devise personnelle de vie : Frugalité, Autonomie et Fraternité.
Pourquoi ?
Mon travail de prospectiviste qui occupe une bonne part de mon existence depuis plus quarante ans (le nom de ce métier n'existait d'ailleurs pas encore ...) m'a conduit à certaines conclusions irréfragables sur lesquelles j'ai publié une dizaine de livres et une centaine d'articles. Aussi mon lecteur me permettra de partir des conclusions de ces travaux sans les justifier.
Première conclusion : le taux de croissance de la consommation humaine en ressources a cru beaucoup plus vite que le taux de régénérescence desdites ressources. Nous étions à l'équilibre lorsque nous étions deux milliards sur Terre aux alentours den 1925, il y a juste un siècle. Nous frisons les dix milliards aujourd'hui, soit huit milliards de trop. La seule issue : une double Frugalité, l'une consommatoire (moins d'achats), l'autre démographique (moins d'enfants).
Deuxième conclusion : les "bons sentiments" issus du christianisme, de l'islamisme et du bouddhisme ont promu, avec sagesse, la pitié, la bonté, le partage et la charité. Mais ces vertus ont engendré, depuis l'après seconde guerre mondiale, leur propre perversion qui a nourrit la systématisation des assistanats, des parasitismes, des fainéantises rémunérées, des abus de gratuités, des fiscalisations démentes, .. et j'en passe. Il est temps de promouvoir une autre vertu : celle de l'Autonomie personnelle et collective.
Troisième conclusion : déclenché par la Renaissance, l'esprit des Lumières a engendré la montée en puissance progressive de la démocratie humaniste comme pilier central de la vie sociétale, avec, pour conséquence, le développement du principe d'égalité citoyenne. Mais encore une fois, ces concepts remarquables ont été détournés et nous vivons aujourd'hui l'ère de la démagogie électoraliste, du carriérisme politicien, des scléroses bureaucratiques et fonctionnaires, de l'asphyxie des services publics et, surtout, d'un égalitarisme qui, dans les faits, s'avère être un nivellement par le bas dans toutes les dimensions sociétales (enseignement, soins médicaux, qualité des produits commerciaux, ...). En réaction, ces détournements des principes positifs induisent d'énormes tentations de fuite dans la drogue, de violence et de suicide, d'autoritarisme, de populisme, etc ... L'antidote, selon moi, est de restaurer le droit à la différence en lieu et place de l'égalité de tous, mais différences vues comme opportunités de complémentarité induisant des communions (du latin cum munire : "construire ensemble") dans un esprit de Fraternité.
Frugalité. Autonomie. Fraternité.
La Frugalité n'est pas l'ascèse qui suppose de se passer de tout, à la limite entre vie et mort. La Frugalité se définit tout simplement par l'idée de se contenter (avec joie et bonheur) de l'indispensable et du nécessaire, et d'éradiquer tout l'inutile et tout le superflu. Mais bien sûr, encore faut-il définir ce qui est indispensable et nécessaire. A chacun de le faire pour soi, honnêtement, en âme et conscience. Loin de tout désir de "paraître" !
L'Autonomie n'est pas l'indépendance absolue : tous et chacun ont besoin de leur relation au monde pour survivre et bien vivre. Là n'est pas le problème. Le problème est de refuser catégoriquement toute dépendance évitable aux autres, aux systèmes, à la société. Ce que l'on peut faire et penser soi-même, il faut le faire et le penser par soi-même. Tout seul dans son coin ? Non ! Car l'idée d'une autonomie collective, en communauté restreinte d'entraide, en réseaux collaboratifs sont aussi des solutions magnifiques, mais à jouer honnêtement.
La Fraternité, enfin ... Être frères, c'est tout autre chose qu'être copains, camarades ou amis (mais ça ne l'empêche nullement, au contraire) ... C'est avoir même Père et même Mère (au sens symbolique et non biologique). C'est avoir des racines communes. C'est se nourrir de la même sève.